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DILILI A PARIS: Pistes pour une exploitation pédagogique en CLASSE par Alexandra IBANES

 

« On se raconte des histoires pour enrichir sa vie intérieure, je suis un pommier sur lequel pousse ses pommes. » Michel Ocelot

 

DILILI À PARIS

un film de

MICHEL OCELOT

Par Alexandra Ibanès, enseignante et autrice

 

 

Dilili : Prénom féminin

Qualités : Leader, déterminée

Planète: Soleil

Couleurs : Jaune, orange, or

Pierres précieuses : Topaze, Ambre

Un prénom qui n’est pas choisi par hasard !

 

 

L’action se passe à Paris à la Belle Epoque. Tout juste sortie d’un « zoo humain » du Jardin d’acclimatation, la jeune Dilili part à la découverte de la Ville Lumière et de ses habitants, après avoir été longtemps elle-même un objet de curiosité. Orel avec qui elle se lie d’amitié va lui faire découvrir les hauts lieux de la capitale où vivent les artistes et les inventeurs de l’époque. Au même moment, des fillettes sont enlevées par une secte : les Mal-Maîtres… Dilili aidée d’Orel, de Toulouse-Lautrec, d’Emma Calvé et de quelques autres va partir à leur recherche.

 

Le début du XX ème siècle connaît un début d’affranchissement de la condition des femmes. Elles sont présentes dans de nouveaux métiers et deviennent dames des postes, institutrices, infirmières, on les rencontre aussi dans les usines ou les mines autant que les hommes. À la Belle Epoque, les femmes s’émancipent, elles portent des jupes-culottes, font de la bicyclette et pilotent automobiles et aéroplanes. Elles jouent au tennis ou au golf, deviennent écrivaines, journalistes, avocates et même prix Nobel ! Mais le droit de vote ne leur est pas encore accordé.

C’est dans ce contexte que Michel Ocelot a planté le décor de son nouveau film d’animation : DILILI À PARIS. Les femmes que l’on va croiser tout au long du récit apparaissent telles des fleurs parmi les fleurs de l’art nouveau et sont la promesse des rêves d’avenir parmi tous les rêves qui sont en train d’éclore…

Le réalisateur est friand de contes et c’est une fois de plus cette structure narrative qu’il va utiliser pour entraîner les spectateurs dans un Paris éblouissant de la Belle Epoque.

 

La réalisation du film :

Dilili à Paris est l’aboutissement d’un travail de 6 années ! Pendant deux ans, Michel Ocelot et son assistant-réalisateur Jean-Claude Charles (intervenant à l’Ecole des Gobelins et qui a travaillé aussi sur Azur et Asmar, Kirikou et Les contes de la nuit), ont pris des photos de Paris pour les utiliser en décor de film. Quand les lieux n’existaient plus, ils reconstituaient les décors à partir de documents de la BNF ou des films. Ainsi les images du Moulin Rouge avant son incendie ont été recréées par les informations recueillies dans Moulin Rouge, le film de John Huston. Le premier étage de la Tour Eiffel qui était bâti avec un décor art nouveau, l’appartement de son constructeur ou encore les égouts de Paris ont essentiellement été reconstitués à partir de la banque d’images de la BNF.

Les personnages quant à eux sont de trois types différents, chers à Michel Ocelot. On retrouve ainsi des marionnettes à plat, des personnages en 3 D et des dessins.

Chaque détail du film a son importance et la lecture de chaque plan est très riche que ce soit pour découvrir la vie culturelle de l’époque avec ses affiches (Mucha, Lautrec...), la vie sociale (très beau plan de 3 secondes où l’on voit une boutique de modiste éclairée la nuit avec des détails d’une infinie précision). Dilili à Paris est aussi la découverte documentaire d’une ville complètement recréée et époustouflante de beauté. L’histoire se déroule sur 15 jours, un raccourci nécessaire qui fait référence à une période s’étalant sur une vingtaine d’années. Ce choix délibéré de la part de Michel Ocelot permet ainsi de présenter la vie foisonnante de la capitale qui était alors considérée comme l’incomparable ville phare du monde.

 

Les différentes lectures et les différentes pistes pédagogiques possibles

 

Une vie culturelle foisonnante

Dilili demande à son ami Orel de lui faire visiter Paris et une folle aventure commence. À travers sa visite, elle rencontre des personnages comme Colette dans sa loge alors qu’elle vient de jouer sa célèbre pantomime égyptienne et Marcel Proust accompagné de sa gouvernante Céleste.

Au fameux Bateau-Lavoir de Montmartre nous croisons Matisse, Picasso, le Douanier Rousseau, Suzanne Valadon ; à la Grenouillère au bord de la Seine, nous faisons connaissance avec Monet qui ne pense qu’aux couleurs et Renoir qui ne pense qu’au bonheur, Toulouse Lautrec, Degas, Rodin sculptant Balzac pour Zola et Camille Claudel... Emma Calvé, diva incontestée de cette époque sera le fil rouge du film et avec la voix de Nathalie Dessay, on l’entendra dans Carmen, le rôle qui l’a rendue célèbre. Dilili rencontrera aussi, le Prince de Galles, Sarah Bernhardt, Marie Curie, Pasteur, Louise Michel, Gustave Eiffel, Paul Poiré, Santos Dumont, Debussy… Dans d’autres beaux lieux, apparaissent Éric Satie, Aristide Bruant ou encore La goulue dans un French Cancan endiablé ! Chacun de ces personnages a un rôle plus ou moins important dans l’enquête de Dilili qui, avec son ami Orel, est partie à la recherche des fillettes disparues. Ils ne sont pas choisis au hasard. Nous y reviendrons.

 

Les Mâles-Maîtres

Comme dans tous les contes, des sujets très sérieux sont abordés dans ce film. Dilili va devoir faire face à l’adversité et combattre le mal pour faire triompher le bien. Les Mâles-Maîtres font partie d’une secte bien décidée à combattre l’émancipation féminine en plein essor. Ils décident de créer un monde de femmes soumises en enlevant des fillettes qui, fragiles et malléables seront éduquées par la terreur. L’action se déroule dans les égouts de Paris où elles deviennent de simples numéros, des quatre pattes, et ne peuvent sortir de leur servitude. La noirceur de cette situation - qui peut faire référence à un triste épisode de notre temps - était-elle nécessaire dans un film aussi beau destiné à un jeune public ? Je répondrai que OUI ! Michel Ocelot utilise tous les ressorts du conte en revisitant de façon moderne la structure narrative type de ce genre de récits. On sait que dans les contes, les péripéties traversées par les héros sont toujours cruelles et difficiles. Dans une éducation bienveillante, apprendre à protéger les enfants des malheurs du monde est nécessaire et à travers Dilili à Paris, les personnages croisés dans le film jouent le rôle d’adultes donnant toutes les clés pour ouvrir la porte sur un monde meilleur. Ainsi, les jeunes spectateurs sont amenés à réfléchir sur les stéréotypes filles/ garçons et sur l’égalité entre les hommes et les femmes et ils apprennent peu à peu que c’est ensemble que l’on construit une société meilleure.

 

Les personnages qui aident ne sont pas choisis au hasard.

Colette aide Dilili dans sa quête et lorsqu’elle se présente, elle évoque ses livres signés sous le nom de Willy et écrits en collaboration avec son mari,  Emma Calvé chante Debussy et Bizet. Sans la chanteuse lyrique, ces deux musiciens n’auraient pu faire connaître leur œuvre. Le futur roi d’Angleterre refuse de répondre à des journalistes et donne la parole à Dilili pour répondre à leurs questions. Rodin est présenté avec Camille Claudel, elle-même artiste et Pasteur avec Marie Curie qui dira dès le début du film que toutes les filles peuvent étudier les sciences et qu’il y aura désormais de la place pour elles toutes.

 

Le rôle de l’école.

Tout enseignant sera extrêmement sensible à un personnage récurrent dans le film: Madame Michel. Dilili qui est d’origine kanake et qui parle avec un langage très soutenu  explique qu’elle a appris à s’exprimer grâce à une maîtresse d’école du nom de « Madame Michel ». Plus tard, on apprendra dans le film qu’il s’agit de Louise Michel déportée pour ses convictions en Nouvelle-Calédonie. Ces évocations mettent en évidence le combat contre toutes les discriminations relatives au sexe ou à la couleur de peau et dans ce combat, l’école joue évidemment un rôle essentiel pour permettre aux enfants de devenir des adultes responsables. On ne peut s’empêcher de songer à Hugo qui déclarait « Un enfant qu’on enseigne est un homme qu’on gagne » Le générique de fin résume tout le film dans une explosion de couleurs et d’espoir.

 

La musique dans le film.

À part la chanson du générique dont on entend le refrain à deux ou trois reprises, les musiques sont tirées d’œuvres célèbres : Pelleas et Melisande de Massenet, Carmen de Bizet, des airs de French Cancan, la chanson Le temps des cerises de JB Clément interprétée par Toulouse Lautrec, Dilili et Orel... La musique joue un rôle important dans Dilili à Paris. On entend ainsi le son de l’accordéon pour l’ambiance des rues et aussi , la Gnossienne n°1 de Satie qui apporte, une profondeur au suspens angoissant d’une scène qui suit la partition annotée de façon originale (et malicieuse) par son singulier créateur : « Très luisant », « Du bout de la pensée », « Postulez en vous-même »...Lors de la rencontre de deux Mâles-Maîtres pour un complot, la musique participe au ressort dramatique pour exprimer l’ambiance du film. Au moment où un indice est donné pour commettre un cambriolage, la musique se rappelle à nous en explosant au niveau sonore. Dans la partition, ces mesures sont annotées de « Questionné » 

 

L’art nouveau :

Dilili se promène dans un Paris où l’art nouveau est partout présent. Elle est logée dans un immeuble emblématique inspiré de celui conçu par l’architecte Jules Lavirotte et construit par Alexandra Bigot, le plus célèbre céramiste de l’époque. Chez Sarah Bernhardt, on retrouve des meubles créés par Emile Gallé et des vases du Musée de l’école de Nancy.

 

L’équipe :

Michel Ocelot s’est entouré de ses assistants habituels. Les voix sont jouées par des acteurs de la Comédie Française, Prunelle une jeune fille tient le rôle de Dilili avec beaucoup de sincérité, Nathalie Dessay a été choisie pour interpréter les airs d’opéra. L’enregistrement a eu lieu sans faire défiler en synchronisation les images du film et le texte des personnages : ainsi il ne s’agit pas de doublage mais d’interprétation.

 

CONCLUSION

Avant de voir ce film avec mes élèves, je me demandais quel accueil il aurait auprès d’un jeune public. Je craignais que le côté didactique concernant les personnages ne trouble les enfants ou gêne le déroulement de l’histoire. Ce ne fut pas le cas, les jeunes spectateurs ont été séduits du début à la fin et ont été heureux de reconnaître Picasso, Renoir, Eiffel, Pasteur...qu’ils étudient en classe. Ils sont immédiatement entrés dans l’univers de Michel Ocelot et ont su faire la distinction entre les personnages ayant réellement vécu et les êtres imaginaires. Différentes lectures sont possibles concernant les Mâles-Maîtres suivant l’éducation reçue à la maison ou le niveau de maturité des enfants. Tous ont compris l’histoire et ceux qui sont restés à un premier niveau de lecture du film ont interprété les Mâles-Maîtres comme des opposants, comme des méchants que l’on doit combattre.

 

PISTES PEDAGOGIQUES

- Décrypter un film. De nombreux teasers expliquent comment le film a été réalisé (Dilili à Paris Facebook).

- Réfléchir sur les méfaits des stéréotypes et des préjugés (les étrangers, la déformation du nom des personnes étrangères, la couleur de peau, les jeunes et les vieux…).

- En EMC étudier les droits des enfants, Garçons/ filles.

- Découvrir l’Art Nouveau dans son environnement proche.

- Découvrir Debussy, Satie et Bizet en éducation musicale. Etude du Carnaval des animaux de Saint Saens. Ecouter la véritable voix d’Emma Calvet, il existe des enregistrements.

- Partir à la découverte de Sarah Bernhardt avec des documents d’époque.

- Décrire les couvertures des livres de Colette signés Willy.

- Lire des extraits de textes de Proust et Colette (cycles 3 et 4)

ainsi que Le fantôme du petit Marcel d’Elyane Dezon-Jones et Stéphane Heueut aux éditions Viviane Hamy où Alix et Clarisse, les deux cousines et héroïnes de l'histoire, vont faire la connaissance du fantôme du petit Marcel et plonger dans la " Belle époque ". De leurs rencontres et échanges, elles vont comprendre que le petit garçon est en train d'écrire un livre. Mais, il a un problème à résoudre : trouver son titre !

* Le petit Marcel Proust, morceaux choisis par Rolande Causse aux éditions Gallimard jeunesse.

* Des extraits de Sido et Dialogues de bêtes de Colette.

- Etudier en histoire : Le temps des cerises de Jean Baptiste Clément.

- Réaliser des exposés sur les personnages célèbres du film.

- En arts plastiques, créer un book de tenues que portaient les hommes et les femmes élégantes en hommage à Paul Poiret.

 

 

Les réactions ont été unanimes parmi le public : SUBLIME ! EPOUSTOUFLANT ! MAGNIFIQUE !

Voici la réaction de Tristan, 14 ans (classe de 3ème). Aucun mot, ni propos n’a été changé.

« L’esthétique du film est magnifique. Pour moi, qui ne connaît pas trop Paris, Dilili attise a curiosité et me donne envie d’en savoir plus. On retrouve la même technique d’animation que dans Azur et Asmar qui était pour moi, excellent aussi. L’incrustation d’animation sur des photos et le choix des couleurs sont très réussis, c’est parfait. C’est la première fois qu’un film de Michel Ocelot dégage des émotions aussi directement, avec le zoo humain en guise d’introduction (qui reflète la réalité de l’époque) et la secte des Mâles-Maîtres. Cette secte peut être interprétée de différentes manières: la lutte contre la soumission des femmes et pour les plus jeunes le combat des méchants contre les gentils. Les personnages célèbres présents dans le film n’ajoute pas de charme à l’histoire car ils font partie intégrante de l’histoire et c’est très bien selon moi. Quand on les voit, on ne se dit pas « Tiens, il y a Renoir ou Picasso », ce n’est pas scolaire, ce  sont des personnages à part entière tout comme Dilili.

Dilili à Paris est excellent sur énormément de points : son esthétique, son scénario, ses idées. C’est la première fois que je vois un film d’animation qui aborde Paris au début du XXème siècle. Le scénario est très bien écrit et n’a pas dû être fait par hasard. Dilili à Paris rentre donc pour moi, dans la catégorie des vrais films tout public, ce qui impressionnant pour un film de si bonne qualité.

 

En 2019, Dilili à Paris a reçu le César du meilleur film d’animation.

 

Bibliographie :

La femme en 1900-Les années 1900 en carte postale de Serge Seyons (Larousse)

Michel Ocelot bricoleur de génie du dessin animé d’Olivier Demay et Célia Portet Editions à dos d’âne.

 

A visiter, le site pédagogique du film: cliquer ici.

 

 

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