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Assertivité : s’affirmer, est-ce chercher à dominer ?

Assertivité. Bienveillance. Education positive. Affirmation. Domination

 

Dans la famille des confusions célèbres, qui ont la vie dure, je voudrais m’attarder sur celle-ci : Affirmation / Domination ; et tenter de répondre à la question suivante :

 

En quoi s’affirmer soi-même, ce n’est pas chercher à dominer l’autre ?

 

 

En préambule, on notera qu’affirmation de soi et assertivité sont synonymes. To assert, en anglais, signifie d’ailleurs « affirmer », dans le sens de faire valoir (un droit) ou de défendre une idée. Parfois préféré au terme français d’affirmation, l’anglicisme assertivité est moins connoté négativement, justement parce que le mot « affirmation » est abusivement assimilé à la domination – s’affirmer serait une façon de prendre un ascendant sur autrui.

 

Pourquoi parler d’assertivité ici ?

Pour deux raisons : d’abord parce qu’il est nécessaire de développer cette qualité naturelle chez l’enfant ; ensuite parce qu’en tant qu’adulte (parent, éducateur, enseignant…) la puissance d’affirmation est un atout majeur pour maintenir une relation de qualité avec l’enfant, dans la reconnaissance de ses ressentis/besoins et dans la prise en charge d’une autorité bienveillante et non abusive.

 

 

Premier point : l’affirmation de soi est d’abord un rapport de soi à soi.

S’affirmer suppose d’être au clair, en accord et en paix avec soi-même, nulle n’est besoin de la présence d’autrui pour cela.

Être dans l’affirmation de soi, c’est être dans son authenticité, à l’écoute de ses ressentis (sensations, émotions) et de ses besoins (valeurs, désirs).

Il y a donc déjà eu un solide travail de fait en amont pour pouvoir être pleinement dans son affirmation. De ce travail de connaissance intime de soi et de son potentiel s’est dégagée une grande confiance en soi, non seulement face aux autres, mais aussi face à tous les défis de la vie, face aux imprévus, aux challenges et aux projets que l’on entreprend.

 

A contrario, la domination nécessite la présence de l’autre, c’est d’abord un rapport de soi à autrui : je domine quelqu’un. Sans cette présence, ma requête est inaboutie, veine.

 

 

Deuxième point : s’affirmer, c’est être dans sa puissance naturelle.

Dans la mesure où s’affirmer soi-même c’est puiser ce qu’il y a de fondamental en soi (besoins, désirs, valeurs, pensées…), en paix avec soi-même, sans culpabilité, sans se juger et sans avoir peur de soi, c’est s’autoriser à être totalement soi en lien direct avec soi. De cette complétude, de cette réconciliation originelle, de cette acceptation de soi sans condition, se dégage une très grande puissance, un charisme, que l’on nomme parfois « autorité naturelle » ou « force tranquille ». Une force ordonnée, non chaotique, en flux constant.

 

A contrario, la domination est une recherche de pouvoir avant tout, de pouvoir sur quelqu’un. Conscient de son manque de puissance, de son incomplétude (puisqu’elle ne s’autorise pas à être pleinement soi), la personne dominante cherche à se combler elle-même en s’appropriant l’autre, en l’assimilant, en l’asservissant. N’étant pas pleinement lui-même, le dominant a besoin de l’autre pour se restituer, il est dans un rapport de dépendance, insupportable pour lui. D’autant plus insupportable qu’il en a l’intuition (à défaut de le reconnaître : cette reconnaissance serait d’ailleurs salvatrice et serait le premier acte posé pour sortir de ce schéma de fonctionnement).

 

 

Troisième point : il n’y a pas d’affirmation sans empathie.

Réconciliée avec ses émotions, ses sentiments et ses propres besoins, la personne assertive est davantage à l’écoute d’autrui, elle est aussi dans une meilleure connaissance de l’autre, ayant elle-même appris à se connaître. La recherche d’une relation de qualité est donc primordiale et rendue possible par une meilleure régulation intérieure des ressentis. Une personne assertive accepte de vivre ses émotions, elle les sent vite arriver et les rattache très vite aux besoins satisfaits ou insatisfaits dont elles sont l’expression, consciente d’en être seule à l’origine. Ne rejetant pas la faute de ses émotions sur autrui, elle peut aller vers lui sans crainte et préserver une relation saine, sans confusion.

 

À l’inverse, il existe une dangereuse “indistanciation” entre soi et autrui dans les rapports de domination : l’autre étant considéré comme étant à l’origine des maux et mal-êtres vécus (« Tu m’as blessé en disant ça », « Tu m’as déçu », etc.), il doit être déconsidéré voire puni. Pour assouvir son désir de domination sans culpabiliser, un travail de dépréciation des sentiments/émotions d’autrui est nécessaire, ainsi qu’une mise à l’écart de ses propres émotions. L’empathie est impossible dans une relation de domination.

 

 

Quatrième point : s’affirmer, ce n’est pas chercher à avoir raison.

Défendre ses idées, ce n’est pas être dans l’obsession du dernier mot, peu importe de convaincre, de gagner sur l’autre. C’est avoir suffisamment de confiance en soi et d’amour pour soi pour ne pas s’effacer devant l’autre ni se laisser faire. Mais c’est aussi accepter d’avoir tort, de s’être trompé et de le reconnaître sans le vivre comme un échec ou une humiliation, sans s’en trouver anéanti ou dévalorisé. Une personne assertive défend ses idées avec conviction, mais saura accepter l’incompréhension voire l’hostilité d’autrui sans cesser d’être bienveillante : moins d’affects seront engagés dans l’échange. Elle saura trouver un compromis gagnant-gagnant plutôt que d’imposer ses désirs de force, favorisant ainsi la connexion.

 

Une personne fonctionnant sur le schéma pouvoir/soumission veut avoir raison, veut l’emporter. N’ayant pas suffisamment d’amour pour elle-même, la victoire sur l’autre constitue une manière de restitution narcissique, de valorisation ; l’autre, encore une fois, étant la condition de cette valorisation – il est instrumentalisé à cette fin de faire-valoir. Il est très difficile également pour cette personne de reconnaître ses torts ou de faire un compromis sans le vivre comme une douloureuse humiliation. La connexion à l'autre est rompue.

 

© Julien Lavenu, LaboPhilo, 2020.

  

 

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