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Bienveillance et Laxisme : est-ce la même chose ? Pour en finir avec la confusion

 

Les opposants à l’éducation bienveillante ont un argument définitif pour solder le problème : « C’est du laxisme ! »

Cette assimilation abusive, et erronée, repose sur quelques subtilités sémantiques que nous allons tenter de lever, et aussi sur les difficultés que nous pouvons rencontrer dans la mise en place d’une pédagogie fondée sur le respect de l’enfant et l’écoute de ses besoins (oui, la bienveillance, ça prend du temps, ça demande de nombreuses connaissances et compétences, il faut le reconnaître : quoique plus naturelle, elle est moins habituelle, donc elle est complexe).

 

Tentons de faire le point sur cette sombre et déjà trop vieille confusion !

 

Bienveillance. Education positive. Autorité. Laxisme.

 

Première distinction : éducation et pédagogie

 

La bienveillance est une pédagogie, il serait donc plus juste de parler de pédagogie bienveillante et non d’éducation bienveillante, c’est une méthodologie.

 

Étymologie d’éducation : latin ex-ducere, « conduire hors », le rôle de l’éducation est d’apprendre à l’enfant à quitter le nid, à faire l’apprentissage progressif de l’autonomie, donc à grandir, aussi bien outillé que possible pour affronter la vie d’adulte.

 

Parler d’éducation bienveillante est un pléonasme puisque l’éducation est toujours un acte bienveillant, positif.

 

Ce qui ne l’est pas nécessairement, c’est la méthode, donc la pédagogie.

 

La pédagogie réfléchit sur la façon d’éduquer, elle théorise et donne des moyens pratiques d’application. Ces moyens sont parfois contradictoires : ils peuvent sembler bienveillants ou brutaux.

 

 

Étymologie de pédagogie : grec paidos-gogia, « mener les enfants », le rôle de la pédagogie est d’accompagner les enfants, de les prendre par la main pour les conduire, jusqu’au moment où ils pourront quitter le nid.

 

 

Deuxième distinction : bienveillance et éducation traditionnelle

 

Pour bien comprendre cette distinction, nous allons passer par l’excellent film de Christophe Barratier, Les Choristes (sorti en 2004). Tout le monde n’a peut-être pas vu ce film musical. Dans ce cas, je vous invite à le faire, pas seulement pour les chansons, mais parce qu’il illustre trois conceptions de l’autorité éducative :

 

 

La première, symbolisée par le directeur Rachin (interprété à l’écran par François Berléand), est une conception ultra-répressive, violente, voire sadique. C’est une conception d’un autre âge, où l’enfant est enjoint à rentrer dans le rang à grands coups de trique.

Dans cette approche « ultra » (c’est ainsi que je la qualifie), le rapport adulte-enfant n’est pas un rapport autorité-obéissance, mais un rapport pouvoir-soumission.

 

Nous ne développerons pas cette approche pour des raisons évidentes. D’ailleurs, dans le film, on se rend compte que cette « méthode » (si l’on peut parler de méthode) ne fonctionne pas : les élèves les plus endurcis s’endurcissent davantage, et l’aventure ne se terminera pas bien pour Rachin.

 

Voir également sur ce sujet : Le Ruban blanc de Mickaele Haneke.

Ce type de (non)éducation maltraitante fonde le lit des pires dérives : terrorisme, génocide, nazisme. Elle conditionne les enfants très jeunes à la fois à la violence et à la soumission à l’autorité. Par la violence qu’ils subissent, les enfants apprennent les gestes de la violence, ils s’isolent en eux-mêmes pour la supporter (se coupent de leurs émotions, sont incapables d’empathie), leur cerveau empathique se développe mal, il est atrophié (difficile donc de se mettre à la place des autres), ils ne sont pas habitués à comprendre, à questionner les ordres mais sont conditionnés à obéir, y compris quand les ordres devraient alerter leur sens moral (terrorisme, déportation, torture, tuerie de masse…).

 

La deuxième, symbolisée par le pion Chabert (le personnage de Kad Merad), est traditionnelle, sévère mais juste, simpliste mais classique dans sa théorie qui se résume à ces mots prononcés par Chabert lui-même : « Action : réaction ! » Dans cette approche, l’éducateur est plein de bons sentiments, il punit de manière proportionnelle à la faute, et croit agir dans l’intérêt de l’enfant pour lequel il a de l’affection.

Cette approche est celle de la punition traditionnelle, telle qu’elle est encore pratiquée aujourd’hui dans de nombreuses familles et établissements. C’est aussi celle des cris, des claques et des fessées.

L’éducation traditionnelle est l’éducation du « C’est comme ça ! », « Tu comprendras plus tard ! », « Ne pose pas de questions ! » Elle est dogmatique, la loi tombe ex cathedra, il n’y a pas à la remettre en cause, ses fondations sont insondables.

 

La troisième est progressive, c’est celle du personnage de Gérard Jugnot, le pion Clément Mathieu. Dans cette approche moderne, l’éducateur met en valeur les réussites de l’enfant au lieu de pointer du doigt, systématiquement, ses fautes. Conscient que la répression automatique ne contribue qu’à renforcer des comportements inappropriés sur des enfants qui sont déjà en carence affective, il tente, par la mise en place de procédés positifs (la création d’une chorale), de valoriser ce que chaque individu a de meilleur en lui.

 

Le pion Mathieu exerce une autorité bienveillante, préférant la conséquence logique à la punition et la communication à l’humiliation.

 

Il applique une autorité modérée, qui autorise avant d’interdire et utilise l’interdit dans son sens premier : inter-dire => mettre des mots entre, entre le doigt qui ordonne et l’enfant qui obéit.

 

Troisième distinction : différencier bienveillance et laxisme

 

Si la l’approche bienveillante se distingue de l’approche traditionnelle, comme on l’a vu, elle se distingue aussi du laxisme : être bienveillant, ce n’est pas laisser tout faire, ce n’est pas remettre en question le cadre ni la responsabilité de l’adulte.

 

En réalité, les Traditionnels et les Bienveillants veulent agir dans l’intérêt de l’enfant et restent sur une position éducative semblable : le rapport autorité/obéissance, avec un adulte responsable. Ils ne sont simplement pas d’accord, en partie, sur la méthode (la pédagogie) : la première axée sur la tradition et la punition, la seconde axée sur l’explication et la sanction (positive ou négative).

 

Les Laxistes ne sont plus dans un rapport ascendant/descendant où l’adulte fixe le cadre (en l’expliquant à l’enfant, et en l’y associant progressivement) et où l’enfant obéit. Ils sont dans un rapport égalitaire, dans une relation de copains plus que de parents à enfants. Ils sont également en partie dans une perte de repères.

En cela, ils ne sont pas bienveillants : avec ce type d’éducation qui n’en est pas une (puisque l’enfant n’est pas accompagné, qu’il ne fait pas l’apprentissage de l’autonomie progressive en vue de quitter le nid) l’enfant est perdu, livré à lui-même et vit souvent de grandes angoisses.

 

Le laxisme est maltraitant, il n’est pas éducatif : il est un renoncement à l’éducation.

 

© Julien Lavenu, LaboPhilo, 2020.

 

 

 

Tableau récapitulatif :

 

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